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DOI: 10.1055/s-0035-1547096
Commentaire du travail de Erichsen R et al., pp. 517
Publication History
Publication Date:
01 June 2015 (online)
Commentaires: Gilles Lesur, Maxime Palazzo, Nicolas Musquer, Marine Camus, Julien Branche
En cas de cancer colorectal obstructif, les prothèses coliques sont utilisées comme “pont” vers la chirurgie depuis le début des années 90. Malgré plusieurs études, y compris des essais randomisés, évaluant leur efficacité et leur tolérance, leur utilisation demeure sujette à controverse. Ainsi, une étude multicentrique randomisée comparant une prothèse colique pré-opératoire (n = 47) à la chirurgie d'urgence (n = 51) pour obstruction colique maligne a été stoppée prématurément en raison d'un taux de perforation élevé dans le groupe prothèse colique [van Hooft et al. Lancet Oncol 2011]. D’autre part, il a été suggéré que la prothèse colique préopératoire pourrait favoriser la récidive carcinologique et ainsi accroître la mortalité des patients [Alcantara et al. World J of Surgery. 2011].
Le but de cette étude était de comparer la mortalité globale et le risque de récidive du cancer colorectal chez les patients ayant une prothèse colique pré-opératoire à ceux des patients subissant une résection chirurgicale urgente. Cette étude a été réalisée à partir de registres médicaux nationaux danois (registre décès, registre du cancer, codage hospitalier).
Le critère de jugement principal était la mortalité à long terme, toutes causes confondues, déterminée grâce au registre de l’état civil danois. Le critère de jugement secondaire était le taux de récidive. Cette donnée n’a pu être obtenue que pour les patients de stade Dukes A à C. Comme la récidive n’est pas codée séparément dans les registres médicaux danois, cet item a été identifié comme un des éléments suivants: a) tout premier codage “métastases” dans le registre danois national des patients plus de 180 jours après la résection pour cancer colorectal; b) la chimiothérapie codée 180 jours après résection et plus de 60 jours après le dernier code de chimiothérapie; ou c) une biopsie enregistrée dans le registre danois d’anatomopathologie plus de 180 jours après la date de résection, qui a été codée comme une tumeur maligne soit colorectale, soit métastatique. Les comparaisons ont été réalisées parmi trois groupes: prothèse colique pré-opératoire, chirurgie urgente et chirurgie élective.
Cette large étude de cohorte danoise regroupait, entre 2005 – 2010, 17728 patients: 1118 avaient eu une prothèse colique avec une médiane de pose de 1 jour après le diagnostic de cancer (interquartile 0 – 12 jours), 3333 patients avaient eu une résection chirurgicale en urgence dans une médiane de 2 jours après le diagnostic du cancer (interquartile 1 – 10 jours) et 13277 avaient eu une chirurgie réglée dans une médiane de 13 jours après le diagnostic de cancer (interquartile 1 – 32 jours). Parmi les 1118 patients avec prothèse colique, 581 (52,0 %) ont réellement eu une résection colorectale dans une médiane de 17 jours (interquartile 8 – 27 jours). L’âge médian dans le groupe prothèse colique était de 72 ans, de 74 ans pour le groupe chirurgie en urgence et de 70 ans dans le groupe chirurgie élective.
Pour les patients atteints de cancer colorectal qui ont survécu les 30 premiers jours après la résection, la mortalité à long terme a été évaluée en termes de rapports de taux de mortalité en utilisant la régression de Cox avec ajustement sur les covariables. Pour les patients atteints de cancer colorectal Dukes A à C, le risque de récidive a été évalué de la même manière à l'aide des ratios des taux d'incidence.
La survie à 5 ans était de 49 % chez les 581 patients ayant eu une prothèse pré-opératoire et de 40 % chez les 3333 patients subissant une résection d'urgence, correspondant à un rapport de taux de mortalité ajusté de 0,98 (95 % intervalle de confiance [IC] de 0,90 à 1,07). Le taux de mortalité ajusté à 5 ans post-résection parmi les patients atteints de cancer colorectal avec prothèse colique préopératoire était donc similaire à celui des patients traités par résection en urgence. En revanche et comme attendu, la mortalité des patients avec chirurgie élective était plus faible à court (30 jours) et long terme (5 ans) en comparaison avec les deux autres groupes.
Pour les patients de stade Dukes A à C, le risque de récidive à 5 ans était de 39 % chez 286 patients dans le groupe prothèse préopératoire et de 30 % chez 1627 patients après résection d'urgence, correspondant à un rapport de taux d'incidence ajusté de 1,12 (95 % IC 0,99 à 1,28). Les patients avec prothèse pré-opératoire et de stade Dukes A à C avaient donc un risque de 12 % plus élevé de récidive carcinologique dans les 5 ans suivant la résection chirurgicale par rapport aux patients subissant une résection d'urgence.
Les limites de cette étude sont l’absence d’information sur les types de prothèses, l'utilisation ou non de la dilatation par ballonnet et les taux de perforations liés à l'intervention.
En conclusion, la mortalité à long terme associée à l'utilisation de prothèse colique pré-opératoire comme pont vers la chirurgie était comparable à celle des patients ayant une résection chirurgicale en urgence. Mais l’utilisation d’une prothèse colique pré-opératoire était associée à un risque plus élevé de récidive du cancer.